2CL ANDRIES Charles - Ouvrage du Michelsberg A22 - 164e R.I.F.

 Charles Andriès et sa famille, devant l'entrée de l'ouvrage du Michelsberg le 22 juin 2013. 73 ans après...

 

Récit de Monsieur Andriès Charles à l'âge de 95 ans - A Bournonville le 27 janvier 2013.

Né le 07/08/1918 à Lumbres (Pas de Calais)

 

"Je suis parti le 1er septembre 1938 pour effectuer mon service militaire à Thionville. Nous étions 4 à partir de Menneville. C'est moi qui ai été affecté le plus loin. Peut être parce que j'étais orphelin...

En 1939, on nous informe que l'on doit rejoindre la ligne Maginot pour terminer notre service.

Comme toutes les installations n'étaient pas prêtes, on nous a cherché des maisons dans un village à proximité qui voulaient bien nous loger. Durant ces quelques temps passés là-bas, on a sécurisé les abords du fort du Michelsberg. On plantait des rails anti-chars, des barbelés, on creusait des tranchées (on avait quelques engins). On a aussi planté des lames dans la terre (lame avec une partie en forme de tire-bouchons). Notre commandant nous a dit qu'il n'y avait pas de danger dans le fort car ils avaient fait des tests avec des chiens avant. Quand les bombes tombaient, on ne pouvait pas être sourds avec les détonations.

Ensuite, on est entrés dans le fort. Il y avait 3 compagnies. J'y suis resté 1 an. On ne pouvait pas sortir. On montait la garde à tour de rôle, jour et nuit. On avait des canons, des mitraillettes et des revolvers (mais on n'avait pas de balles pour les revolvers!). A côté des salles de garde, on avait une salle pour manger et une salle pour se reposer. Le ravitaillement arrivait par un monte-charge. On mangeait bien, pas tous les jours la même chose.

Les allemands installaient des lignes avec des lampes dans la forêt d'en face pour nous indiquer leur présence. On tirait dessus pour les éteindre. On a fini par s'aperçevoir qu'ils n'étaient plus là et qu'ils faisaient ça pour faire diversion.

Les allemands ont aussi fait une tranchée de l'autre côté de la route. Ils ont mis des traverses et des branches dessus. Ils se sont mis dedans. On a tiré au canon. Aucun n'est ressorti vivant.

On défendait aussi les autres ouvrages plus petits. On communiquait par téléphone.

Les allemands étaient très nombreux. Ils avaient beaucoup de pertes.

Un jour, ils ont brandi des drapeaux blancs pour qu'on arrête de tirer. Ils ont demandé une trêve d'une journée pour enlever leurs morts. Il y en avait des milliers, ils les poussaient avec  les engins.

Un jour notre commandant nous a dit (il savait des choses qu'on ne savait pas): "si on ne peut pas sortir et qu'ils nous entourent, on ne se rendra pas. Je sauterai dedans, avec vous!".

Un peu plus tard, un allemand s'est approché du fort avec un drapeau blanc. Ils nous ont dit qu'on était faits prisonniers d'honneur, qu'on devait partir en Allemagne pour prendre un train pour rentrer chez nous.

On a nettoyé les armes et tout le reste. On devait partir et les allemands voulaient que tout soit propre.

Quand on est sorti les allemands ont présenté les armes.

Je suis parti au Stalag VIIA de Moosburg.

Je me souviens d'un camarade qui s'appelait Gérard DESMARESCAUX.

On est partis à pied. Ceux qui ne pouvaient pas marcher, des bus les ramassaient. Arrivés là-bas, ils ont demandé des volontaires pour partir travailler dans des fermes. Je suis parti dans une ferme près de Munich. J'y suis resté 5 ans. Quand la guerre a été terminé, des américains sont venus à 04h00 du matin nous dire d'arrêter de travailler. On a pris le déjeuner ensemble et j'ai repris le train pour rentrer en France.

En 1957, je suis tombé malade et j'ai dû alors aller à ARRAS pour être réformé."

 

 

Article du Républicain Lorrain - Edition de Saint-Avold - 30 juin 2013